La Constitution et le droit du travail
Que dit la Constitution sur les droits des travailleurs ?
Les droits et libertés sont au cœur de la Constitution. Ils sont souvent traités de façon très générale en abordant les citoyens et ils sont parfois traités de façon plus thématique en abordant les grandes activités des citoyens.
Ça peut être leur vie politique, leur vie familiale, mais aussi leur vie au travail. Et après la Seconde Guerre mondiale, on a souhaité inscrire dans la Constitution des droits sociaux nouveaux et notamment le droit au travail. Ce droit est abordé de deux façons générales dans la Constitution.
D'abord, le droit pour chacun à avoir un travail, ce qui est une liberté individuelle très importante bien évidemment.
Et seconde dimension, le fait qu'il n'y ait pas de discrimination dans la vie au travail, que chacun puisse travailler sans prise en considération de ses opinions, de ses origines, de ses croyances.
C'est donc un droit individuel, mais qui comporte également un certain nombre de dimensions plus collectives, comme le droit syndical ou le droit à la participation des travailleurs.
Que signifie le principe de participation des travailleurs ?
Le travail peut être exercé de façon individuelle, mais il s'exerce le plus souvent dans une dimension collective. On travaille dans un service, dans une administration, dans une entreprise. Ce peut être une grande entreprise. Et la Constitution a prévu que les travailleurs puissent bénéficier dans les grandes structures d'un droit à être associé à la gestion de cette structure.
C'est ce que l'on appelle le droit à la participation. C'est le droit d'être informé sur ce qui se passe dans l'entreprise. C'est le droit de s'exprimer. C'est le droit d'intervenir dans un certain nombre de décisions de gestion, par l'intermédiaire de représentants du personnel.
Et on voit là que la représentation des personnels comporte une dimension constitutionnelle. Ce n'est pas un droit à diriger ou à codiriger les entreprises, mais c'est un droit à être associé à toutes les décisions qui y sont prises. On voit à cet égard qu'il y a entre ce droit à la participation et le droit syndical, un lien assez évident.
La liberté syndicale est-elle protégée par la Constitution ?
Oui, la liberté syndicale est un droit très important, qui est effectivement protégé par la Constitution. C'est l'autre volet collectif des droits du travail avec le droit à la participation.
Ce droit comporte deux dimensions assez différentes. C'est d'une part le droit de se syndiquer, donc de s'inscrire dans une organisation syndicale. Et l'autre volet, c'est le droit de choisir librement son organisation syndicale.
Autrement dit, on voit là une expression intéressante de la différence entre un droit et une liberté. On a droit à s'inscrire dans un syndicat, on a la liberté de choisir son syndicat. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Et le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence, comme on dit, c'est-à-dire dans les décisions qu'il rend, veille au respect de ces deux volets : liberté syndicale, droit de se syndiquer.
Ce droit ou cette liberté syndicale peut être défendu par les travailleurs à l'occasion de ce que l'on appelle les questions prioritaires de constitutionnalité, dont vous avez déjà entendu parler. C'est la possibilité pour chacun, à l'occasion d'un procès, d'invoquer un droit constitutionnel qui pourrait être méconnu devant une juridiction. Et donc lorsqu'on estime que son droit syndical ou son droit à participer à une vie syndicale est méconnu ou n'est pas respecté, on peut faire jouer cette procédure.
Le droit de grève est-il garanti par la Constitution ? A-t-il des limites ?
Oui, deux fois oui. Le droit de grève est bien garanti par la Constitution, c'est évidemment un élément tout à fait essentiel pour son exercice, mais il est également prévu par la Constitution que ce droit s'exerce dans les conditions fixées par la loi, dit la Constitution, ce qui veut dire que la loi peut encadrer l'exercice du droit de grève.
Et en réalité, c'est une belle illustration de ce que certains droits ne sont pas absolus et peuvent comporter des limites. Alors pourquoi des limites ? Tout simplement parce qu'un droit peut venir en contradiction avec un autre droit. La Constitution comporte différents droits et libertés, il faut souvent les concilier, faire en sorte qu'il y ait un équilibre d'ensemble.
Alors à quoi le droit de grève peut-il porter atteinte ?
Il peut porter atteinte à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'entreprendre, et ceci explique que la loi ait pu fixer, comme le prévoit la Constitution, des règles qui limitent l'exercice du droit de grève, pas à n'importe quel moment, pas de n'importe quelle façon, ou même dans des circonstances rares mais qui existent, interdisent le droit de grève.
Dans certaines professions, c'est reconnu par la Constitution, il n'est pas possible d'exercer un droit de grève.
C'est une belle illustration de cette conciliation qui est faite entre les différents droits.
On peut rappeler d'ailleurs que l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dit que la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.
Autrement dit, ce qui peut nuire à autrui est une limitation constitutionnelle à ce que d'autres peuvent faire.
Pouvez-vous nous donner un exemple de décision dans ce domaine ?
En décembre 2023, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui concernait le droit de grève dans un métier très particulier.
Il y a dans de rares occasions des métiers qui n'ont pas le droit de grève.
Les militaires, les policiers, on le comprend bien, pour des raisons de sécurité.
Eh bien, la décision que j'évoque a été rendue concernant les personnels qui travaillent dans le service de la navigation aérienne, les contrôleurs du ciel, les aiguilleurs du ciel, comme on les appelle.
Ce sont des gens qui jouent un rôle très important en matière de sécurité des vols dans l'aéronautique.
Et bien évidemment, selon qu'ils peuvent faire grève ou pas, la sécurité des vols, et donc la sécurité des passagers, est mise en cause.
Ceci explique que la loi ait fixé des règles un peu restrictives qui n'interdisent pas le droit de grève, mais qui fixent des conditions.
Une loi récente avait par exemple imposé aux aiguilleurs du ciel de se déclarer gréviste plusieurs jours avant le début d'une grève.
Cette loi a été contestée, et le Conseil constitutionnel a estimé que, compte tenu de l'importance de cette fonction pour la sécurité des vols, pour la sécurité des passagers, pour la continuité aussi du service aérien, ces limitations étaient légitimes et qu'elles étaient donc conformes à la Constitution.
Voilà une illustration simple et concrète d'une limitation constitutionnelle au droit de grève.
Découvre dans cette vidéo une explication approfondie du droit au travail tel que défini par la Constitution.
Quels sont les droits garantis aux travailleurs et quelles sont les limites ? Comment la liberté syndicale est-elle protégée?
La vidéo examine également la question cruciale du droit de grève, ses garanties et ses éventuelles restrictions.
La Constitution et le droit des étrangers
La Constitution française établit une différence de statut entre les Français et les étrangers.
Regarde la vidéo pour savoir quels sont les droits des étrangers : droit à la fraternité, accès à la Justice … et quels sont les principes qui les limitent.
Tu apprendras également ce qu’est le droit d’asile, reconnu en France depuis la Révolution française !
Les étrangers sont-ils traités comme les Français par la Constitution ?
La Constitution française, comme celle de tous les autres pays, définit des règles qui sont applicables dans un espace politique national.
Elle définit les institutions du pays et, dans ce cadre, elle définit ce que sont les droits des citoyens de ce pays.
Les citoyens se définissent par opposition à ceux qui n'ont pas ce statut et qui sont en général des étrangers.
La Constitution laisse dans ce cadre à la loi le soin de définir ce que sont les prérogatives, les droits des citoyens, donc des nationaux.
Droit de vote, droit d'être élu, droit d'exercer certaines responsabilités publiques, des fonctions exécutives ou des fonctions juridictionnelles.
Les étrangers, par principe, sauf loi particulière, n'ont pas droit à ces différentes prérogatives.
Ils sont dans un statut différent.
Et c'est de ce contexte constitutionnel que le Conseil constitutionnel a déduit que, de façon générale, les étrangers ne sont pas dans une situation équivalente à celle des nationaux, donc des Français, et qu'en particulier, ils n'ont pas un droit général, absolu à entrer sur le territoire ou à séjourner sur le territoire.
Il n'existe donc pas en la matière un principe général d'égalité entre les nationaux – les Français – et les étrangers.
Quels sont les droits des étrangers garantis par la Constitution ?
Le fait que la Constitution établisse une différence de statut entre les Français et les étrangers ne signifie pas que les étrangers sont privés de droits.
Au contraire, ils bénéficient de par la Constitution et de par les lois françaises qui appliquent la Constitution d'un certain nombre de droits qui s'attachent en réalité, d'abord, à toute personne humaine.
Droit à la dignité, droit au respect de la vie privée et familiale, droit à la fraternité.
Et des droits qui s'appliquent ensuite aux personnes, quelle que soit leur nationalité, auxquelles la loi a conféré des prérogatives, en matière de travail, en matière de circulation, en matière de droits sociaux.
Pour prendre un exemple très concret, il y a quelques années, le Conseil constitutionnel a eu à juger que les personnes qui avaient servi dans l'armée française, quelle que soit leur nationalité, française ou étrangère, avaient le même droit à obtenir une pension de retraite.
Mais bien sûr, les droits que la loi et que la Constitution française reconnaissent aux étrangers ne sont pas exactement les mêmes selon que les étrangers sont en France en situation régulière ou irrégulière, les premiers bénéficient de droits plus importants.
Pour autant, un étranger même en situation irrégulière n'est pas privé en France de tous les droits, notamment en matière d'accès à la justice ou de droit à la vie privée et familiale.
Quels sont les principes qui limitent les droits des étrangers ?
Il y a deux fondements aux restrictions aux droits des étrangers sur le sol national.
Le premier fondement, ce sont d'abord les lois françaises qui fixent des règles pour l'accès au territoire et la durée du séjour sur le territoire.
Ces règles peuvent interdire à des étrangers de rester dans certaines conditions ou de rester au-delà d'une certaine durée, ou d'exercer certaines activités.
Par exemple, s'ils ont été admis comme étudiants, ils n'auront pas forcément le droit de travailler.
Il faut préciser à cet égard que la Constitution française reconnaît des droits particuliers à certains étrangers qui sont les ressortissants des pays de l'Union européenne qui, en vertu des traités européens, qui sont reconnus par la Constitution française, ont des droits qui sont très proches de ceux des Français.
Il y a également un certain nombre de conventions internationales qui sont reconnues là aussi par la Constitution française et qui accordent à certains pays étrangers, pour leurs ressortissants en France, des droits particuliers, par exemple, en vertu d'une convention signée avec l'Algérie, les ressortissants algériens ont des droits particuliers pour leurs séjours en France.
Ça c'est le premier fondement de la restriction des droits des étrangers.
Ce sont donc les règles qui sont fixées pour le séjour en France.
Le deuxième fondement qui peut justifier des limitations aux droits des étrangers, c'est ce qu'on appelle l'ordre public, c'est-à-dire la nécessité de respecter un certain nombre de règles de vie en société en France, telles que la Constitution les a prévues.
Un étranger qui peut être regardé comme une menace pour l'ordre public, ou même pour la sécurité nationale, ou qui peut ne pas respecter un certain nombre de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, comme on dit en droit constitutionnel, peut effectivement être regardé comme n'étant pas en situation de vivre légalement en France.
Qu'est-ce que le droit d'asile ?
Il s'agit d'un droit très ancien, qui est reconnu en France au moins depuis la Révolution française.
C'est la Constitution de 1793 qui, la première, a reconnu un droit d'asile qui, depuis, s'est retrouvé dans notre vie publique au point de figurer au niveau de la Constitution.
Et dans le préambule de la Constitution, il est prévu que toute personne qui est persécutée pour son action en faveur de la liberté a le droit de se réfugier en France, donc d'être accueillie comme demandeur et bénéficiaire de l'asile en France.
Ce fondement constitutionnel, il est aujourd'hui complété, il faut bien le dire, par des règles internationales, que la France applique et qui sont devenues des règles très générales.
Il y a une convention très importante.
C'est également une règle qui est reconnue au niveau de l'Union européenne et que tous les pays européens appliquent de la même façon, ce qui, là aussi, établit une passerelle entre le droit européen et la Constitution française.
En vertu de ce principe de l'asile, toute personne qui est susceptible d'être persécutée pour ses idées, pour son action, dans son pays, peut demander l'asile en France ou de façon plus générale en Europe.
Il est important de souligner que le droit d'asile s'exerce selon des règles qui sont fixées, soit à l'échelle internationale, soit à l'échelle de la Constitution française, puisqu'il y a plusieurs déclinaisons possibles du droit d'asile, selon les circonstances qui sont invoquées par la personne.
Et ces règles imposent que celui qui demande l'asile fasse l'objet de l'examen de sa situation, de manière à s'assurer que ce qu'il invoque correspond effectivement à sa réalité.
Il y a un grand nombre, depuis quelques années, un très grand nombre de demandes d'asile en France.
Toutes ces demandes ne sont pas admises.
Et c'est la loi qui, sur le fondement de la Constitution, fixe les règles qui permettent de s'assurer qu'un demandeur d'asile correspond bien à ce que la Constitution a entendu rendre possible en France.