Infographie : Des droits et des libertés en France
En France, les libertés et droits fondamentaux sont énoncés et garantis par la Constitution de 1958 et les textes auxquels elle renvoie (par exemple : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou la Charte de l’environnement). La Constitution pose aussi des limites pour que la liberté des uns ne gêne pas celle des autres.
La question prioritaire de constitutionnalité : un nouveau droit pour les citoyens
Une question prioritaire de constitutionnalité – qu’on abrège en parlant de "QPC" - permet à une personne de faire vérifier par le Conseil constitutionnel qu’une loi qu’on lui applique au cours d’un procès est bien conforme à la Constitution, et que la "hiérarchie des normesClassement hiérarchisé des normes d’un système juridique. Chaque norme inférieure doit respecter la norme qui lui est supérieure. Dans de nombreuses démocraties, la Constitution est au sommet de cette hiérarchie. " est donc bien respectée. Si ce citoyen pense qu’une loi l’empêche d’exercer les droits et les libertés que la Constitution garantit, et qu’elle ne respecte donc par la « norme suprême », placée au-dessus des lois, il peut soumettre une QPC.
Le Conseil constitutionnel, en jugeant si une loi déjà en vigueur est conforme ou non à la Constitution, exerce ce que l’on appelle un "contrôle a posteriori" (après la promulgation de la loi). Ce contrôle renforce son rôle de "gardien de la Constitution".
Ce nouveau droit pour les citoyens français a été instauré par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et est entré en vigueur en mars 2010.
La QPC en chiffres
Depuis 2010, le Conseil Constitutionnel a répondu à plus de 1 000 QPC avec une moyenne de 80 QPC par an. Dans deux tiers des cas, le Conseil Constitutionnel a jugé la loi conforme à la Constitution. Mais pour un tiers des QPC, elles ont eu comme effet d’abroger des lois ou des parties d’une loi.
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consulte les informations relatives à la QPC sur le site du Conseil constitutionnel
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consulte les thèmes " Qu’est-ce que la Constitution ? " et " Elaboration de la loi ".
1 - La QPC, un progrès pour la démocratie et l’État de droit
Donner la possibilité aux citoyens français de poser une question prioritaire de constitutionnalité est un progrès en faveur de la démocratie et de l’État de droit.
C’est un progrès en faveur de la démocratie car avant 2010, seuls le président de la République, le Premier ministre, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ou encore 60 députés ou 60 sénateurs pouvaient saisir le Conseil constitutionnel. Ce contrôle existe toujours, il est fait une fois que la loi est votée par les parlementaires mais avant qu’elle soit promulguée, pour vérifier qu’elle est bien conforme à la Constitution. On appelle ce mécanisme, "contrôle de constitutionnalité a priori" (avant la promulgation de la loi). Avec la QPC, les citoyens ont acquis à leur tour le droit de saisir le Conseil constitutionnel dans le cadre d’un procès.
C’est un progrès en faveur de l’État de droit car la loi ne s’applique plus de manière automatique et sans possibilité de discussion devant le Conseil constitutionnel : le débat est désormais ouvert et les représentants de la nation (Assemblée nationale et Sénat), qui votent les lois, ainsi que le président de la République, qui les promulgue, doivent respecter la Constitution et se soumettre au droit.
Pour la personne qui a posé la QPC, le déroulement de son procès peut changer, à son avantage. En effet, la décision du Conseil constitutionnel peut rendre une loi inapplicable ; elle oblige les juges à trouver d’autres textes pour rendre leur verdict.
La Constitution prend une dimension plus concrète car la QPC peut être à l’origine d’un progrès des droits dans différents domaines de la vie quotidienne. Et ces droits valent pour tous les citoyens, pas uniquement pour celui qui a posé la QPC, car si la loi a été jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, elle ne s’appliquera plus pour personne.
Vidéo : Le Conseil constitutionnel, mode d'emploi #05 | La question prioritaire de constitutionnalité
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ou "question citoyenne" permet à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi en vigueur à l’occasion d’un procès.
2 - La QPC, mode d’emploi.
La question prioritaire de constitutionnalité s’inscrit dans le cadre d’une procédure très encadrée. Si la QPC représente un vrai progrès et qu’on dit qu’elle a rapproché la Constitution des citoyens, en réalité, les citoyens ne s’adressent pas directement au Conseil constitutionnel.
Le justiciableToute personne susceptible de se retrouver devant un juge.
doit formuler sa requête devant le tribunal. La QPC doit être écrite et justifiée, c’est-à-dire expliquer en quoi la loi ne respecte pas les droits et libertés qui sont garantis par la Constitution.
Ensuite, si le juge estime la demande recevable, le procès est suspendu. La QPC est alors transmise à la juridiction suprême dont dépend le magistrat : le Conseil d’ÉtatInstitution qui examine les futures lois et réglementations pour voir si le droit est bien respecté dans celles-ci. Il peut aussi juger les conflits entre les citoyens et l’État.
si le dossier relève d’une juridiction administrativeAutorité compétente pour juger les conflits opposants les particuliers aux administrations.
ou la Cour de cassationJuridiction suprême de l’ordre judiciaire, sa mission consiste à vérifier que les tribunaux et cours d'appel de l'ordre judiciaire ont correctement appliqué la loi.
s’il relève d’une juridiction judiciaireAutorité compétente pour trancher les conflits entre personnes privées et les auteurs d’infraction à la loi pénale.
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Enfin, si après un délai de réflexion de trois mois le Conseil d’État ou la Cour de cassation considèrent que la QPC est recevable, cette dernière est renvoyée au Conseil constitutionnel. Il a lui aussi trois mois pour se prononcer.
Si la loi remise en question est jugée conforme à la Constitution, le procès reprend. Dans le cas contraire, la loi ne doit pas s’appliquer durant le procès et elle est abrogée, soit immédiatement soit à une date fixée par le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire qu’elle ne pourra plus produire d’effets (elle ne pourra plus être appliquée).
3 - Quelques QPC qui concernent la vie quotidienne
Voici quelques exemples de QPC qui montrent que le Conseil constitutionnel est saisi de situations concrètes qui concernent le quotidien des citoyens.
Santé
En 2011, des parents refusent qu’un vaccin, pourtant obligatoire, soit fait à leurs enfants au motif que cela leur ferait courir un risque pour leur santé. Ces parents sont condamnés par un tribunal en 2014 pour ne pas s’être soumis à l’obligation de faire vacciner leurs enfants. Ils font poser par leur avocat une QPC : à leurs yeux, les articles du Code de la santé publique et du Code pénal qui rendent obligatoires certaines vaccinations pour les mineurs sont contraires à la Constitution. D’après eux, ces vaccinations font courir un risque important à la santé des enfants et portent atteinte au droit à la santé, garanti par la Constitution.
Le Conseil constitutionnel rejette la QPC et invoque ce même droit à la santé, garanti par la Constitution. Il s’appuie sur le Préambule de la Constitution de 1946, qui dit : "Elle [la nation] garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé." Le Conseil constitutionnel a rappelé que les vaccinations obligatoires permettaient de lutter contre trois maladies très graves et contagieuses (diphtérie, tétanos et poliomyélite). Les articles du Code de la santé publique et du Code pénal, qui prévoient l’obligation de certaines vaccinations, sont donc bien conformes à la Constitution.
Alimentation/Santé
Le bisphénol A est un composé chimique présent dans la plupart des plastiques alimentaires (canettes, biberons, emballages, etc.). C’est une substance dangereuse pour la santé, car elle empêche le bon fonctionnement des hormones. Deux lois, du 30 juin 2010 et du 24 décembre 2012, imposent d’arrêter la fabrication, l’importation, l’exportation et la vente de tout contenant à usage alimentaire contenant du bisphénol A. Les fabricants européens de matières plastiques, regroupés au sein de l’association Plastics Europe, posent une QPC en 2015 : ils considèrent que leur liberté d’entreprendre n’est pas respectée.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a jugé que pour protéger la santé des citoyens, on pouvait interdire l’importation, en France, de plastiques contenant du bisphénol A produits dans un pays étranger et la vente de ces plastiques en France. Mais le Conseil constitutionnel a aussi jugé que les fabricants français pourraient toujours fabriquer et exporter des produits comportant du bisphénol A ; leur liberté d’entreprendre a été reconnue. La décision du Conseil constitutionnel n’a donc pas conduit à l’abrogation complète des deux lois mais seulement de certains de leurs articles.
Protection de l’environnement
Quelques années après sa décision sur le bisphénol A (cf. exemple ci-dessus), le Conseil constitutionnel a été saisi d’une nouvelle QPC et a rendu une décision qui est allée dans un sens différent de la précédente. Cette fois-ci, le Conseil constitutionnel a placé la protection de l’environnement au-dessus de la liberté d’entreprendre.
Des associations de défense de l’environnement ont fait appel à la justice pour dénoncer la pollution d’un lac, créée par une usine de production d’engrais. Elles se sont appuyées sur un article d’une loi de 2018 qui interdit, à partir de 2022, la production, le stockage et la circulation d’engrais contenant des substances non autorisées en Europe car dangereuses pour la santé humaine et animale, et pour l’environnement.
Un groupement de producteurs d’engrais ont soumis une QPC car ils considéraient que leur liberté d’entreprendre était attaquée par cette loi. Or la liberté d’entreprendre est un droit garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Le Conseil constitutionnel a jugé pour la première fois que la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, "constitue un objectif de valeur constitutionnelle » et « peut justifier des atteintes à la liberté d’entreprendre". Il s’est appuyé pour affirmer cela sur la Charte de l’environnement de 2004.